Moderniser les processus sans fragiliser la confiance des communautés

Au Québec comme au Canada, les gouvernements affichent de plus en plus leur intention de réduire les délais d’autorisation pour permettre aux projets majeurs d’avancer plus rapidement. Tant à Ottawa qu’à Québec, on met de l’avant la modernisation des processus, la simplification des démarches et une volonté d’offrir des analyses plus rapides et plus prévisibles, surtout pour les projets liés à la transition énergétique et aux infrastructures.

Cette volonté de gagner en efficacité est compréhensible. Mais en accélérant les autorisations, on accélère aussi le calendrier du projet et cela laisse souvent moins de temps pour établir un dialogue réel avec les communautés. C’est précisément là que les défis d’acceptabilité sociale apparaissent.

Le temps : une ressource souvent négligée des grands projets

Les démarches d’acceptabilité sociale reposent tout d’abord sur le temps : celui de comprendre le milieu, d’échanger, de s’ajuster et de construire une relation de confiance avec les communautés. C’est ce temps-là qui permet d’identifier les préoccupations locales et de faire évoluer un projet de manière légitime et partagée.

Lorsque les gouvernements accélèrent les autorisations, ils réduisent le temps accordé aux promoteurs pour mener leurs projets. Et dans cette accélération, les premiers moments sacrifiés sont souvent ceux d’échange avec les communautés, pourtant essentiels.

Le risque : transformer le dialogue en un processus mécanique

Quand les échéanciers se raccourcissent, il devient plus difficile de consacrer le temps nécessaire aux démarches participatives. Les promoteurs risquent d’être poussés à réduire les espaces de dialogue, privilégier l’information à la consultation et présenter le projet comme finalisé plutôt qu’itératif. Les relations avec les communautés deviennent désormais un exercice de conformité. Or, la confiance naît rarement dans des espaces formels où les échanges sont souvent perçus comme trop cadrés. Elle se construit sur le terrain, à travers des échanges plus informels et spontanés. Ce sont ces échanges qui permettent aux promoteurs d’ajuster leurs projets de façon légitime et cohérente.  Lorsque ces moments manquent, la méfiance s’installe. Et cette méfiance finit par rallonger les délais que les gouvernements cherchaient à réduire.

Comment intégrer l’acceptabilité sociale dans un rythme accéléré?

Dans un contexte où les délais se resserrent, la clé n’est pas de choisir entre une approche relationnelle et une approche de gestion de projet. Les deux doivent être intégrées. L’acceptabilité sociale ne peut plus être considérée comme une activité accessoire. Elle doit devenir un volet central du projet, au même titre que l’ingénierie ou les études environnementales. Cela implique de l’intégrer dès la phase de planification. C’est en amont qu’il possible d’établir les bases d’un travail rigoureux, avec des analyses qui permettent de comprendre les dynamiques du milieu, d’identifier les parties prenantes et de cerner les préoccupations susceptibles d’influencer l’acceptation du projet. Lorsque ces éléments sont traités de façon rigoureuse, ils génèrent des livrables clairs qui servent à orienter la prise de décision.

Prévenir les risques plutôt que gérer les crises

Aborder l’acceptabilité sociale comme un volet structuré permet aussi de repérer les signaux faibles avant qu’ils ne se transforment en obstacles majeurs. Les activités de dialogue deviennent ainsi un outil d’anticipation permettant de comprendre les attentes des communautés, de répondre à leurs préoccupations et d’éviter la formation de noyaux d’opposition qui risquent de ralentir ou de fragiliser le projet. Dans un environnement où les échéanciers s’accélèrent, cette capacité d’anticipation devient un véritable avantage stratégique.

Pour conclure, accélérer les projets ne devrait pas se faire au détriment du lien avec les communautés. En intégrant l’acceptabilité sociale dès les premières étapes, on réduit les risques et on assure des bases plus solides au projet. Même avec des échéanciers serrés, c’est ce travail en amont qui permet d’avancer avec confiance.

Autrice

Sahar Farhat

Conseillère, engagement et participation publique

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Acceptabilité sociale : bien plus que des relations publiques